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  • Photo du rédacteurSklaeren

Liberté or not liberté

Dernière mise à jour : 5 août 2019

- Je maintiens et je signe, le quotidien est ce que nous en faisons…


Enjouée et affirmée, elle avait vu tant d’histoires de couples autour d’elle que la fatalité ne l’avait pas traversée. Oui le quotidien peut tuer, mais elle avait observé combien il pouvait aussi ne pas aboutir au meurtre de ses congénères. Il y a tous ceux qui restent suffisamment vigilants pour redonner l’impulsion au bon moment, il y a les créatifs qui ne s’endorment jamais sur l’oreiller de l’acquis, il y a ceux qui gardent comme un trésor des espaces personnels de ressources où l’étouffement n’est pas possible, il y a ceux qui s’inscrivent dans une démarche d’élévation par le couple, il y a… il y a… Non vraiment, le quotidien est ce que nous en faisons…


- Le quotidien casse le couple… Aucun couple ne peut durer dans le temps.


Il était las. Il avait vécu le rêve humain matérialiste de la femme, des enfants et de la maison. Il avait connu le meurtre sournois du quotidien, celui qui éteint les cœurs. Il n’avait plus que le désir de reconquérir sa liberté interne empiétée par l’énergie de la survie qui l’avait dévoré.


- Est, ce que nous en faisons… Regarde bien autour de toi. Trop souvent les personnes qui ne sont pas heureuses dans leur couple ne sont pas épanouies tout court. J’ai aussi des exemples de couples épanouis…


- Peut-être…


Il s’était alors tu. Son regard dans le vide avait perdu soudainement la lumière qu’elle aimait tant voir en lui. Dans cet éclat elle y voyait tout le potentiel qu’il semblait ignorer de lui-même. Elle voyait l’homme vivant, plein de malice et de vie. Des années qu’ils se côtoyaient sans jamais avoir passé le pas d’un « nous » quotidien, juste des instants privilégiés qu’ils volaient à leur vie.


Chacune de leurs rares rencontres était comme une première fois. Le temps peut défiler si vite… Ainsi ils pouvaient se laisser aller à la découverte de leurs corps vieillissants et toujours attractifs l’un pour l’autre, toujours des nouvelles à donner sans trop de détail le temps ayant effacé les fioritures. Ils ne se distillaient que l'essence de ce qu'ils avaient à vivre en ce temps fugace et si rare.


- Tu es si belle ! Non vraiment tu n’as pas à en rougir.


La lumière était revenue dans son regard. Oui il y avait de son côté une forme certaine d’attirance physique pour son corps, ses formes généreuses mais il y avait aussi beaucoup d’affection, de respect pour cette femme.


- Tu n’es pas mal non plus.


Son regard canaille et ses compliments si doux la rendaient tout à la fois heureuse et triste. Ces mots n’étaient que ceux de l’instant. Jamais elle ne pourrait cheminer avec lui plusieurs jours, mois, années. Et pourtant avoir plusieurs heures consécutives, des moments plus réguliers, elle en rêvait… Elle avait une telle soif de son corps et d’apprendre encore et toujours à le connaître. Malgré toutes ces années le lien qui les unissait était à la fois fort et distendu.


- Je ne désire pas m’engager tu sais. J’ai connu, je ne veux plus…

- Je sais… et je ne te demande rien. T’inquiète je n’attends rien… juste de vivre cet instant. Et de penser… Laisse-moi vivre ce moment, laisse-moi être à toi et toi à moi… ne gâche pas cet instant par tes peurs, elles n’ont pas leur place.


A chaque fois il y avait de son côté à lui cette nécessité de préciser son absence de disponibilité, elle y entendait son besoin de se protéger et d’exprimer des peurs. Lui, s’assurait qu’elle ne s’engage pas dans de faux espoirs et qu’elle ne l’étoufferait pas d’attentes auxquelles il ne pourrait répondre favorablement.


Il y avait chez elle le désir que cette relation dure le plus longtemps possible de n’importe quelle forme qu’elle prenne. Elle l’aimait simplement dans tout ce qu’il était et devenait, il était important pour sa vie. Leurs échanges lui étaient précieux, à ses côtés elle se sentait femme et pouvait aborder tous les sujets, jusqu’aux thèmes les plus profonds et spirituels. Avec trop peu de personnes elle pouvait être pleinement qui elle était. Il lui était important tout en sachant qu’elle n’abandonnerait jamais ses rêves ni pour lui ni pour personne d’autre. Se rendre dépendante à un autre à s’en oublier elle avait déjà donné, plusieurs fois. Sa grande sensibilité la conduisait systématiquement dans un puits de douleurs… Il était si difficile d’en sortir qu’à la dernière souffrance intolérable, elle finit par comprendre qu’il fallait aimer l’autre dans ce qu’il pouvait donner.


Les planètes s’étaient alignées ce jour-là pour un moment comme suspendu, ils l’avaient pleinement saisi. Ils traversaient tous deux une étape importante et étaient comme figés dans un espace-temps entre inconfort et virage à 180° conduisant à tous les possibles. Ils avaient parlé à cœur ouvert, avaient ri, avaient ouvert une bonne bouteille et déjeuné ensemble puis ils s’étaient couchés l’un à côté de l’autre pour une digestion tendre. Le temps semblait comme arrêté pour leur laisser un temps de répit, un espace où l’un et l’autre allait s’apporter ce qu’ils leur fallaient pour reprendre le cours de leur vie. Tout était parfait, une bulle délicate d’une grande singularité. Mais une fois encore il avait fallu s’arracher l’un à l’autre, la bulle devait exploser. Ils devaient se quitter et retourner dans leur réalité.


Elle en étouffe, dans son explosion, la fine pellicule l’a blessée cette fois-ci. La frustration est telle qu’elle ne tient pas, elle lui écrit :


- J'aurais adoré rester me blottir dans tes bras toute une nuit... j'aime aussi beaucoup être simplement contre ton corps... et en même temps cette heure butoir dépassée fut délicieuse et le temps savouré d'autant. J’ai adoré chacun de nos échanges, repas… J’ai aimé que le temps s’arrête et vivre chaque instant en étant juste dans l’instant présent…


Et lui de répondre.


- J’aurais adoré aussi ! exactement les mêmes ressentis.


Pour l’un comme pour l’autre, la liberté d’être et de se réaliser était si important que la qualité des bulles qu’ils s’offraient étaient déjà un beau cadeau de la vie.

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